
Photo CFM
La plupart des gens investissent dans des activités comme l’hôtellerie, la restauration ou les transports pour créer des emplois et faire de bénéfices.Mais tous comptes faits, d’autres secteurs restent à explorer.La vente du bétail est-elle devenu à son tour une activité à caractère commercial ?
L’élevage burundais a subi de profondes mutations. Bien qu’encore ancrée dans les esprits, l’image de l’éleveur contemplatif, soucieux d’acquérir des animaux pour asseoir son statut social, appartient désormais au passé. L’élevage a évolué et s’est transformé. Il s’est progressivement intensifié grâce à la diversité desraces amélioréesqui sont apparues. Il s’agit principalement des Ankolé, des Sahiwal et des Frisonne.
L’élevageoccupe toujours une place déterminante dans l’économie nationale. Le rapport sur les caractéristiques de l’élevage et situation des ressources zoo génétiques au Burundi réalisé par le ministère de l’agriculture et de l’élevage enjuin2012montre que 9 travailleurs sur dixrelèvent dessecteurs de l’agriculture et de l’élevage. Essentiellement extensif, ce dernier est pratiqué par 58% des exploitations et contribue à la hauteur de 8% à la richesse nationale.
Néanmoins,la crise socio-politique qui a secoué notre pays et qui a été àl’origine d’importants dégâts humains n’a pas épargné le domaine de l’élevage.Face à cette situation, le gouvernement a lancéune politique de repeuplement du cheptel.Plusieurs projets ont été initiés parmi projet d’appui à la reconstruction de l’élevage (PARSE). Selon le « Document d’orientations stratégiques pour le secteur de l’élevage : 2000-2011 » de la FAO, avant la crise, le nombre de bovins était estimé à environ460 000têtes en 1992.En 1997, ilétait descendu à prèsde 310 000.Après la crise, le nombre de bovins a connu une certaine remontéeet le cheptel comptait 586 000 têtes en 2010
Deux pays d’origine
Le bétailvendu dans notre pays provient essentiellement de deux origines : la Tanzanie et l’Ouganda. Pour la Tanzanie, les commerçants burundaiss’y approvisionnent et acheminent ce bétail vers les abattoirs via les marchés se trouvant à l’intérieur du pays : Gitega, Ngozi, Kayanza, Bujumbura-Rural et Bururi. Pour le cas de l’Ouganda, des projets financés par des ONG telles que le Fonds International de Développement Agricole (FIDA), World Vision, la FAO et bien d’autres s’approvisionnent par le biais de commerçants qui concourent à desappels d’offre lancés pourprocéder à la distribution du bétail aux paysans réunis en association de développement.
A titre d’exemple, entre 6 et 12 intermédiaires répondent en général aux appels d’offres du PARSE. Depuis sa création en 2008, ce projet a déjà effectué deux appels: un en 2010 et l’autre est en cours d’exécution.Pour le premier, les commerçants devaient fournir 600 bovins. Pour celui qui est en cours, 700.
Les grossistes s’intéressent de près au marché du bétail. Un grossiste de nationalité grecque qui exerceà Bujumbura dit avoir réussi à ouvrir une charcuterie réputée pour la qualité et la quantité de la viande qu’il offre. Il y parvient en se rendant aux marchés de l’intérieur du pays où il achète à bas prix des vaches de taille moyenne. Il commence à les entretenir pendant 5 à 6 mois avant de les faire abattre.Il détientainsi une ferme de plus de 600 vaches et 120 sont abattues chaque semaine. Le réapprovisionnement est continu. Une centaine de personnes y travaillent.
Des revenus pour l’Etat
Un porte-parole du ministère du Commerce indique que ce genre d’intermédiaire doit impérativement payer la taxe sur la valeur ajoutée, comme pour les autres marchandises, soit 18 %. Cette TVA est exigée à quiconque exerce un commerce selon la loi. A cela s’ajoutent des prélèvements forfaitaires imposés aux commerçants de bétail. Le montant exigé par la commune hébergeant le marché est de800 fbu par tête de bovin et 500 fbu pour les caprins. Même si le marché du bétail génère des revenus à l’Etat, il n’y a pas de réglementationspécifique pour ce genre d’activité. Le ministère de l’Agriculture et de l’Elevage qui travaille en étroitecollaboration avec celui du Commerce annonce qu’une loi est en cours de rédaction.
Le bétail est peut-être devenu un business, mais ce n’est pas un business sans risques : certains commerçants se disent confrontés à des pertes énormes. A l’abattoir de Bujumbura, un commerçant explique : « Je peux m’approvisionner à raison de1.000.000fbu pour une vache d’environ 500 kg et enregistrer une perte de 200.000fbu après sa vente. Sans compter les dépenses effectuées pour le transport et le paiement des taxes… » C’est sans doute l’un des facteurs aggravants de la crise de la viande : aujourd’hui, le prix du kilo atteint 8.000fbu alors qu’il était à 5.500en 2010…
Prosper Hakizimana, Espérance Ndayikengurutse, Evelyne Kaneza et AxellaHoraho
Cet article a été réalisé dans le cadre d’une formation pratique de vingt heures aux techniques de l’enquête journalistique, au CFM, du 3 au 6 juillet 2012.